IMAGES-TEXTES

Réduites dans leurs formes : un mot, une courte phrase projetés ou imprimés en noir sur fond blanc de format A4 ou homothétique, toujours dans la même police de caractère, les images-textes (I-T) fonctionnent comme objet visuel et mental, entre arts plastiques et écriture. Elles s’inscrivent dans une certaine histoire liant art et langage. 

De mise en page immédiatement identifiable, elles sont produites selon les fonctionnalités basiques d’un logiciel de traitement de texte : police, occupation de la page, « format portrait » toujours semblable. Seule la taille des caractères varie selon le nombre de lettres qui les composent. 

Inattendues dans leurs énonciations, diverses dans leurs jeux et enjeux - politique, société, existence, x - les images-textes ne dédaignent pas le plaisir de l’étrange, du néologisme et de l’extravagance. 

BIOGRAPHIE

Mickaël Faure, né en 1968 à Lorient, France.

Directeur-fondateur de l’agence MARSINPARIS, commissariat d’exposition et conseil artistique.

Production artistique : images-textes (depuis 2014).

Ante : directeur de l’École des Beaux-arts de Versailles, 2015-2021 ; directeur de l’Alliance Franco-Marocaine d’Essaouira et conseiller “arts visuels” de l’Ambassade de France au Maroc, 2011-2013 ; directeur-fondateur de MARS, espace artistique, Berlin 2007-2010 ; directeur du Bureau des Arts Plastiques de l'Ambassade de France en Allemagne 2002-2006 ; rédacteur en chef "hors-série et numéros spéciaux" de Beaux-Arts Magazine, Paris 2000-2002 ; responsable des publications, Musée du Louvre, Paris 1997-2000.

Formation : Licence d’allemand, Paris IV-Grand-Palais, 1990 ; Sciences Po Paris, 1992 ; histoire de l’art, EHESS, 1998-2000.

EXPOSITIONS RÉCENTES (IMAGES-TEXTES)

2022

Affinités - Rencontre de Gyeol - gravure contemporaine sur bois Corée-France 2022, Gimpo International Cultural Foundation, Corée du Sud ; Centre Culturel Coréen, Paris ; galerie Schumm-Braunstein, Paris

À fleur, exposition avec Laurence Favory, peintre, kiosque à fleurs, avenue du Général Leclerc, Paris

2021

WINDOWS PROJECT Acte III/ En attendant…, exposition collective, Immanence, Paris

2020

Il faut être voyant, se faire voyant, exposition collective, galerie de l’École des Beaux-arts de Versailles

ORIGINE(S), exposition personnelle, La CENTRALE ARTISTRUNSPACE. Ruoms, Rhône-Alpes

2019

À ceux-là, accrochage permanent, Haslla Art World Museum, Gangneung-si, Corée du Sud

A4 + ou -, exposition collective, galerie de l’École des Beaux-arts de Versailles

2018

Christmas Project, exposition collective, Immanence, Paris

Phénomènes amoureux, exposition collective, Artn’Co, Marseille

COLLECTIONS

Haslla Art World Museum, Gangneung-si, Corée du Sud

Collections particulières, France, Allemagne, Australie

AUTRE PROJET : COUNCIL OF MANY (avec Alexine Chanel)

2023 : SPORT KLÜBÜ, Berlin, “ZERO TOLERANCE”, One Night Group Show (24.11.2023)

2022 : Rathenau-Hallen/Treptow-Ateliers e.V., Berlin, BLIND VISION, exposition collective ;

2020-21 : Quarantine Berlin/Paris, diffusion via les réseaux sociaux

2020 : NIMAC, Nicosia Municipal Arts Centre, Chypre, projection et action participative

2019 : Sookmyung Women’s University, Séoul, Corée du Sud, projection ; Haslla Art World Museum, Gangneung-si, Corée du Sud, projection et action participative ; Hochparterre Kunstsalon, Berlin, Allemagne, projection et action participative

2018 : Galerie Delacroix de l’Institut Français de Tanger, Maroc, projection et action participative ; Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, Maroc, workshop et action participative ; Atelier Hof Kreuzberg, Berlin, Neue Strömungen im Wandel der Gesellschaft, exposition collective

2017 : École des Beaux-arts d’Athènes, Grèce, Learning from Documenta, séminaire ; Kastela Art Center, Le Pirée, Grèce, Edge.Piraeus, exposition collective ; The Art Foundation, Athènes, action participative

« CETTE PETITE FEUILLE A4, NOIR SUR BLANC, ACCROCHÉE AU FOND DU COULOIR…”

Entretien avec Mickaël Faure

À l’occasion de l’exposition ORIGINE(S)

La Centrale Artistrunspace

Février 2020

L’exposition personnelle que vous présentez à La Centrale Artistrunspace, lieu d’exposition fondé par l’artiste Nicolas Tourre en Ardèche, tout près de la grotte Chauvet, s’appelle ORIGINE(S). Pourrait-on justement remonter « à l’origine » de ces images-textes, de votre travail ? 

Cela fait assez peu de temps que je commence à poser un regard rétrospectif sur la façon dont les choses se sont enchaînées et se développent aujourd’hui. L’invitation de Nicolas Tourre et cette exposition sont donc bienvenues. 

A 20 ans j’écrivais de la poésie. C’est souvent le cas à cet âge ! Il s’agissait toujours de quelques vers seulement, un peu abstraits, jouant avec la syntaxe, la grammaire. C’était très personnel, mental, des jeux de langue. Et puis cela s’est arrêté comme ça. D’un coup. 

Après des études d’allemand, de sciences politiques, d’histoire de l’art, j’ai travaillé au Louvre et à Beaux-arts magazine, puis j’ai dirigé le Bureau des Arts plastiques de l’Ambassade de France à Berlin, où j’ai ensuite créé un espace de production et d’exposition, MARS. 

Quand je suis arrivé dans cette ville, j’ai recommencé à écrire de très courts textes, en prose cette fois. J’avais 10 ans de plus. Je les disposais ici et là dans mon appartement de Kreuzberg. Je me souviens de la première feuille : YOU WALK.

Les image-textes que je produis aujourd’hui condensent cela : plusieurs décennies de vie personnelle et professionnelle, de réflexions, d’impressions, d’actions. C’est amusant de « dérouler » la nécessité des choses, a posteriori.

D’où venait ce « YOU WALK » ? 

Au tout début de ma « période allemande » (!), j’habitais Cologne, ville de zozos fêtards, d’art contemporain, de carnaval. Un ami, rare survivant de l'hécatombe « HIV-eightie’s », pratiquait la Feldenkrais Therapie. Il m’y a initié. Lors de la première séance, il m’a invité à traverser la pièce. « Mais tu marches comme un Occidental, tout raide ! ».

Puis je suis arrivé à Berlin et j’ai accroché cette première page au fond du long couloir de mon Altbauwohnung. A chaque fois que je le parcourais, je la voyais au fond, la feuille inaugurale, accrochée bas vers le sol. Alors je me disais : comment marchai-je ? Comment marcher ? Sûrement pas par les épaules, le cou fixe et raidi, mais, logiquement : par les jambes, les hanches, le centre du corps.

C’était déjà un format A4 ? L’aviez-vous dessinée ou imprimée ? 

Oui, c’était écrit par ordinateur et imprimé en noir sur une page A4. Mais la différence avec les I-T d’aujourd’hui, c’est que je disposais ici un mot, là un autre, en haut, en bas, à droite, à gauche… : je jouais avec leur disposition sur la feuille. Au bout d’un moment je me suis dit : oh que c’est fastidieux, interminable, cette hésitation quant à la place de chaque mot : il y a X possibilités. C’est infini et contingent.

J’ai donc suspendu ce travail et engagé la production d’un livre. Je vivais alors à Essaouira, au Maroc, où je dirigeais l’Alliance Franco-Marocaine. C’était au début des années 2010. J’ai composé ce livre à partir d’images photographiques et de textes que j’avais produits sur plusieurs années - à Paris, Cologne, Berlin, dans l’Atlas, et à « Swira », donc. Où il était question d’expositions, d'aventures multiples, de politique, de précipitation (corps insoluble !), d’exagérations de toute sorte - et de solitude au grand air, puisque je travaillais depuis ma terrasse au vent surplombant l’Atlantique. Walou ! « Walitude » ! Comment remplir le rien de bord de mer ? Je voyais des pêcheurs assis sur de grosses bouées noires - des chambres à air de camion - qui dérivaient des heures entre les rochers, attendant le poisson ou n’attendant rien, perdus ou réjouis par leurs pensées secrètes. Was mir gefällt, besitzet die Welt, chantait une cantate de Bach dans ma tête. « Ce qui me plaît, le monde le possède »…

Ce livre, MARS 2.0, édité grâce un ami tombé amoureux d’Essaouira, Daniel Gastaud, artiste et grand original, était signé alias. Sa première page ne comportait qu’un mot : « Rideau ».

Quel a été le destin de ce livre ?  

Eh bien, dans un magnifique acte manqué, j’ai jeté la totalité des exemplaires par mégarde, un jour de déménagement, il y a trois ans. Je n’en ai pas gardé un seul ! Il y en avait mille… Je ne m’en suis pas aperçu tout de suite.

Avant cet événement, j’avais déjà commencé à créer de premières images-textes en testant différents modes de composition. De retour à Paris, à une période où j’avais tout mon temps, j’ai fini par préciser une forme toujours identique, fondée sur l’utilisation systématique de la police de caractère Courier New et l’observance de règles de mise en page « imposées » par un logiciel de traitement de texte. Fini l’abîme de perplexité quant au positionnement de chaque mot sur la page ! Tout était décidé de façon extérieure… Par ailleurs, cette mise en page autonome occasionnait des coupures de mots aléatoires, souvent curieuses, qui m’enthousiasmaient : des surprises m’attendaient. J’ai compris que ce mode de production me permettrait de me concentrer sur le seul contenu des mots, le plaisir du texte, la joie de produire. J’ai ressenti celle-ci comme une liberté soudaine. Voilà comment a surgi le format des images-textes d’aujourd’hui. Un protocole à la fois strict et très simple.

Avez-vous choisi à dessein cette police de caractère « Courier », survivante en quelque sorte de la Galaxie Gutenberg ?

Pour moi, cette police incarne une certaine image de la vie. Celle du doigt… appuyant sur la touche d’une machine à écrire, même si l’image a été créée à partir d’un outil informatique. L’esprit et le corps ont produit cette image. Pour l’instant, je n’ai pas envie de me départir de ce principe de composition. D’autant que cela constitue en quelque sorte une « marque », même si j’utilise ici un mot curieux : il faut constater que ces productions sont immédiatement identifiables et que le terme d’image-texte est très peu usité, pourtant si logique. 

Oui, c’est étonnant d’ailleurs. À ma connaissance, le concept d’image-texte n’existe nulle part ailleurs que dans votre travail. Or, on pourrait se dire que les liens entre la littérature et les arts visuels sont multiples et anciens !

En effet les liens entre les arts plastiques ou visuels et l’écrit, le texte, le langage, sont nombreux. Et très documentés. Ces choses que je fais, je les nomme images-textes depuis six  ou sept ans. C’est un grand plaisir que cette dénomination ne soit pas employée davantage : comme un espace interstitiel encore assez vierge.

Je parlais de marque - disons plutôt signature : pour ceux qui commencent à suivre ce travail et portent un regard dessus, pas de doute : il s’agit d’une I-T (image-texte), produite par un certain MF, où chacun est invité à « plonger » dans une micro-énonciation imagée et son jeu, ses jeux, enjeux. 

J’ai presque envie de dire « cette petite page A4, en noir et blanc, au fond du couloir.. », un peu à la façon de George Perec et son « petit vélo à guidon chromé au fond de la cour », parce que j’y trouve des résonances avec son oeuvre, le recours à une contrainte formelle forte toujours associée à un style très joyeux, fait de mots créés et de trouvailles spontanées, autrement dit un dispositif précis d’une part, et une jouissance dans l’usage des mots, d’autre part. 

Perec me plaît beaucoup bien sûr !

Différemment, je suis ravi par Paul Valéry : son esprit perçant, l’efficacité de ses formules me subjuguent. Pensons à Une Soirée avec Monsieur Teste, au refus du "pourboire public », à « l’énergie dissipée à se transmettre et à préparer la satisfaction étrangère ». C’était visionnaire.

Mais l’image-texte, humble forme composée de quelques rares mots réunis sur une page : qu’est-elle ? Ou même : qui est-elle, dont je me sens si proche ? Ce n’est pas peu dire que l’I-T ne dédaigne pas le plaisir de l’étrange, du néologisme et de l’extravagance… D’aspect parfois bancal ou basique, l’objet, outil visuel et écrit, tourne bientôt dans la tête, après qu’on l’a produit, vu, lu. Quelle est cette bizarrerie ? Qu’en faire mentalement ? Dans quel état intérieur place-t-elle l’auteur et le regardeur-lecteur ? Quelle est sa nature ?

Parfois, une I-T est réussie parce qu’elle est rigoureusement pensée, soigneusement pesée ; c’est une construction subtile. D’autres fois, elle « fonctionne » parce qu’une coupure de mot lui donne soudain un tour imprévu (alors c’est une fête étrange et intime). Ou bien encore, elle « tient » parce qu’elle semble… « ne pas s’ouvrir », secrète. Ailleurs, autrement, elle semble d’une simplicité désarmante : le regardeur se trouve pris par cette apparente naïveté : il doit y prendre sa part. 

Mais cette naïveté peut aussi mener ailleurs l’I-T et le public, invité à « mouliner » lui-même les idées qui, à sa vue, lui viennent. Il devient lui-même agent producteur. Les I-T jouent aussi de cela : de cette mobilisation, induisant une certaine « transformation ». C’est même l’un de leurs ressorts principaux.

Qu’est-ce qui différencie les I-T d’autres formes artistiques ou arts visuels qui utilisent des textes ou des mots comme le street art ? Votre geste artistique d’un tag, graffiti, slogan, etc.. Ou même des « démodirectives », ton autre projet mené en parallèle avec l’artiste Alexine Chanel et qui investit l’espace public de Tanger à Berlin, de Séoul à Paris, en passant par Chypre ? 

Paradoxalement, je ne sais pas si les I-T ont grand chose à dire… Contrairement aux slogans qu’on peut voir dans la rue, elles n’émettent pas de « message ». Ce sont des images, poétiques, certes, visuelles et écrites, des fragments de (ma) réalité - de la vôtre, qui sait, puisque ça résonne. Mais ce sont aussi, surtout, des machines : des transformateurs, au sens propre ou technique : des dispositifs permettant de modifier la tension… Des outils d’animation mentale et sensible.

Je voudrais quand même faire un détour par les slogans de 1968, du type « Soyons réalistes demandons l’impossible », qui eux aussi finalement, avant de devenir un mythe et une signature historique du mouvement, étaient de « petites choses », produites par quelques situs sur les murs de trois ou quatre rues du Quartier Latin… Mais qu’ils ont pris le soin de documenter. On dit même qu’ils furent la matrice du règne des slogans publicitaires dans les années 80…

Les slogans de Mai 68 et d’autres sont souvent réjouissants. Mais ils ont une vocation d’émission et de diffusion - à dimension, sociale, politique… Moi, je veux que ça vibre !

Pour autant, gageons que les images-textes sont aussi animées de politique : « Politisches Tier. », dit l’une d’elles… Et j’espère qu’elles ont une certaine « efficacité » ! C’est l’une de leurs raisons d’être, aux côtés de dimensions plus intérieures, singulières, d’expression. A leur manière et matière : osons dire, souvent, parrhèsiastiques. Dire vrai, fût-ce curieusement. Tout dire (ce qui me passe par la tête). Et sans doute ce dire est-il moins un contenu qu’une modalité de rapport, une position ouvrant en oscillation un espace de risque entre celui qui s’avance, et celui qui regarde, se rapproche. « The terrible desire to establish contact », disait l’écrivaine Katherine Mansfield.

C’est étonnant car, si je prends mon exemple personnel, et les I-T qui m’ont touché, je les ai souvent reçues comme des messages, justement. Par exemple, « Quitte-toi. », ou « Il n’y a pas rien. », que je trouve très belles et frappantes, sont pour moi des invitations, ou des incitations. « Quitte-toi » me rappelle avec force et joie quelque chose du genre « sors de ton petit ego », non ? 

Bien sûr ! Mais je dis juste : mettons-nous en branle. Ce sont des invitations, oui. Voire des exhortations !

Considérez-vous les I-T de manière sérielle, une suite que vous pourriez exposer dans un ordre donné ou au contraire comme des unités, qui tiennent toutes seules si je puis dire, disséminées au hasard ou au bon vouloir d’un curateur ? 

Je ne cherche pas une chaîne de sens, une image globale qui à la fin se dégagerait, même si une constellation se développe nécessairement à mesure que les I-T se multiplient. Je veux que le regard porté sur chacune d’elles s’opère « une à une », par moments successifs et autonomes. Mais rien n’empêche le spectateur de se créer des ensembles signifiants avec sa propre histoire, ses pensées, son expérience, au vu de ces impulsions.

Ceci a bien sûr des implications en termes d’accrochage : faut-il « faire des murs » (A. Nemours) ? Ou privilégier une présentation séquencée ? Pour l’exposition à La Centrale, une vingtaine d’I-T sont accrochées à égale distance les unes des autres, par ordre alphabétique de la première lettre de chacune, à mi-hauteur du mur. La sélection finale, sur la base du corpus que je proposais, a été effectuée en concertation avec l’artiste qui m’invite (il s’agit d’un artist-run space). Cette succession constitue comme une proposition ouverte, faite d’éléments autonomes, quoique identiques dans la forme, où chacun.e peut projeter son propre désir de fabrication et, éventuellement, co-agencer.

Le principe de ce centre d’art est que les expositions sont quasiment inaccessibles au public une fois qu’elles ont été accrochées ! Voilà qui ouvre des perspectives insoupçonnées, particulièrement poétiques…

Nous n’avons pas abordé la question de la ponctuation, centrale pourtant dans votre travail. Le point, le trait d’union, et plus rarement la virgule s’invitent souvent dans les Images-textes.

Je dirais que le point, la virgule, ou le tiret, le respect de la langue, c’est le plaisir ornemental, visuel, syntaxique, textuel - presque une outrance de ma part. Ça, c’est mon plaisir du texte ! Et c’est opératoire.

Justement, dans Le plaisir du texte, ce magnifique livre, Barthes disait que les points, les virgules étaient comme les « feux vivants de la langue »…

Absolument. Mais l’image qui me vient subitement, c’est aussi celle de la colonne. Nous parlions plus haut du fait de marcher, peut-être droit. Eh bien le point - n’ayons pas froid aux yeux - c’est la base de la colonne ! Cela porte la page et l’image-texte tout entière, c’est un point stoïque… Un point d’orgue aussi. Faisons feu de tout bois ! Les I-T ne s’en privent pas, qui font l’éloge des « Recettes à feu vif. ».

Mais n’oublions pas que tout cela est quand même imprimé, pour l’instant, sur de vilaines photocopieuses, où le noir, souvent, n’est pas tout à fait noir. Mais « on s’en fout », comme dit une amie peintre…

«Vilaines photocopieuses » : je vous arrête car vous avez aussi créé récemment une version des I-T sur alu dibond pour une exposition en Corée, qui a rejoint la collection du musée où vous exposiez (Haslla Art World Museum). Beaucoup moins Arte Povera !

Je suis en réflexion là-dessus. Comme beaucoup, je ne suis pas sûr - c’est peu dire - de vouloir produire des objets lourds, dispendieux, pénibles à emballer, transporter, assurer… Mais la feuille de papier c’est merveilleux ! C’est léger, produit en un éclair, dans n’importe quel copy-shop de n’importe quel coin du monde entier, c’est recyclable, cela ne coûte rien, comme un pied de nez à telles et telles dérives - monumentales, commerciales, financières - d’une certaine consommation artistique.

Revenons aux peintures rupestres, qui sait. Cela tombe bien, cette exposition se tient près de la Grotte Chauvet. Elle prend place dans un espace blanc vitré monté sur pilotis, au milieu d’une carrière de pierres. Nicolas Tourre s’est demandé s’il ne serait pas judicieux de produire les I-T à même le mur, au pochoir : ne manquent plus, aux côtés de quelques lettres disséminées, que les mains - positives - sur les cimaises du lieu. Notons d’ailleurs que le titre du projet, ORIGINE(S), s’est décidé, par coïncidence, en une minute, un soir de dîner amical, sur une judicieuse suggestion émise par deux spécialistes du domaine, préhistorien et paléo-anthropologue. 

La Centrale est un lieu d’exposition paradoxalement inaccessible au public, précisiez-vous à l’instant. Les images-textes, elles, le sont-elles vraiment ?!

Directes ou planantes, absurdes, changeantes, raides ou dansantes, glaciales, vives ou moirées… Les I-T sont ce qu’elles désirent. Et vous en faites ce que vous voulez.


Recueilli par Emmanuel Poncet